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1543-1544 : Quand la flotte ottomane passait l'hiver à Toulon

Cet épisode méconnu de l'Histoire de France n'est pas un énième coup de force des musulmans sur le Sud de la France, comme on pourrait le croire. L'occupation de Toulon se fit à l'invitation de François Ier qui demanda à la population de quitter la ville, avec promesse d'un dédommagement, afin de laisser la place à 30 000 marins qui comptaient vivre sur le pays durant l'hiver 1543-1544... et y rester. Ils finirent par quitter la ville de Toulon en mai 1544.

La cathédrale de Toulon fut saccagée et transformée en mosquée. Une grande majorité des enfants de moins de 7 ans des environs furent enlevés et réduits en esclavage. Les toulonnais ne furent jamais indemnisés par François Ier qui dut payer une indemnité de départ afin que les Turques quittent la ville !

Après les grands sacs de Toulon de 1162, puis 1198, par les musulmans, cette occupation de la ville resta durablement dans la mémoire des habitants.

L'alliance franco-turque pour se partager l'Europe de l'Ouest

Ayant perdu face à Charles Quint, le 28 juin 1519, l'élection à la couronne impériale qui lui aurait apporté un surcroît de prestige et un réel pouvoir diplomatique sur l'Europe, François Ier va se lancer dans une néfaste alliance avec l'Empire ottoman qui sera très critiquée en France et qui fera l'effroi du reste de l'Europe qui luttait contre l'invasion musulmane de sa partie orientale et contre l'insécurité du commerce maritime en Méditerranée.

Son orgueil ayant été atteint, François Ier noua des relations diplomatiques avec les turcs dès 1520, pour finalement s'engager à leur côté en 1538. Ce sera, pour une escadre française commandée par le baron de Saint Blancard, un long périple sur les côtes italiennes durant lequel pillages, razzias, destructions de fortification, captures d'esclaves furent le lot quotidien. On compte plus d'un milliers d'esclaves cédés aux turcs par la France durant ce périple.

Cette lamentable croisière qui n'amena rien à la France s'acheva à Constantinople. 

La campagne franco-turque de 1543 & le sac de Nice

En avril 1543, la flotte turque commandée par Barberousse accompagné de l'ambassadeur de France, Paulin, quitta les rivages de Tunis (Un temps menacés par les Espagnols) pour aller attaquer les terres de Charles Quint. Jusqu'à début juillet 1543, elle ravagea et razzia les Pouilles, Calabre et Sicile faisant main basse sur tout ce qui avait de la valeur et faisant la chasse aux esclaves.

La flotte ottomane fit ensuite route vers Marseille où elle arriva mi-juillet. L'accueil de cet allié de la France fut grandiose et festif comme l'avait souhaité François Ier qui avait tenu à envoyer un "Fils de France", François de Bourbon et duc d'Enghein.

Avant de faire escale pour l'hiver, un dernier périple rassembla : une escadre de 50 vaisseaux français commandée par le duc d'Enghein ; la flotte turque de 150 vaisseaux commandée par Barberousse ; des troupes commandées par Paulin.

Cette armée Franco-turque arriva le 5 août 1543 dans la rade de Villefrance/mer avec pour objectif de faire le siège de Nice (Alors possession du Duc de Savoie). Après deux semaines de bombardement intensif la ville fut prise, mais pas la place forte du Château qui fut assiégée jusqu'à l'arrivée des renforts du Duc de Savoie. Nice fut en grande partie saccagée et incendiée au moment du départ de la coalition franco-turque (8 et 9 septembre 1543).

Durant le siège de la place forte de Nice, une partie des ottomans eut le temps de razzier l'arrière pays niçois faisant entre 500 et 1500 captifs promis à l'esclavage. Heureusement, leurs bateaux furent interceptés au large de la Sardaigne par des navires espagnols.

La flotte franco-turque resta jusqu'au 25 septembre 1543 au large de Cannes, dans les îles de Lérins. Les Turcs y commirent un dernier méfait : ils capturèrent à Antibes 300 enfants et des religieuses. 

La France garde un peu de dignité

Depuis le siège de Nice, une forte mésentente se développa entre Turcs et Français au point où Barberousse décida de rentrer à Constantinople pour l'hiver. Il reprochait à la diplomatie française ses hésitations (François Ier avait une forte opposition au sein de son conseil).

Le principal reproche des Turcs fut d'ordre financier. Après la capitulation de la ville de Nice et de ses 2 000 habitants, l'ambassadeur de France, se rappelant qu'il était Chrétien, décida de mettre hors de portée des Ottomans les niçois promis à l'esclavage.

Pour Barberousse qui vivait de la vente d'esclave, cette décision fut rude ! A tel point qu'il décida de rompre l'alliance avec la France. François Ier fit tout pour le retenir afin de reconstituer la coalition pour la campagne de 1544. Il finit par proposer aux Ottomans de les héberger, tout frais payés, à Toulon pour l'hiver...

L'occupation de Toulon de l'hiver 1543-1544

Elle est restée longtemps dans la mémoire des Toulonais. Il y a de quoi ! Que diriez-vous si le gouvernement vous demandait de quitter votre ville, à vos frais, pour héberger des migrants sub-sahariens?

«… « Presque tous les habitants de Toulon durent quitter la ville, abandonner leurs maisons, leurs métiers… pour faire place à des alliés pires que des ennemis… Les matelots enlevaient les jeunes garçons et les emmenaient esclaves sur leurs vaisseaux. Toutes ces atrocités se commettaient impunément. Barberousse, en véritable maître, ne permettait pas qu’on sonnât les cloches dans les églises…»

Le 14 octobre 1443, près de 200 galères turques entrèrent dans la rade de Toulon et quelques 30 000 hommes envahirent la ville. Barberousse s'installa dans une savonnerie qu'il transforma en palais fastueux.

Six mois durant, jusqu'en mai 1544, Toulon fut transformée en caravansérail : La cathédrale Sainte-Marie-Majeur fut transformée en mosquée; les tombes des nobles et des notables profanées et pillées. Les capitaines de l'escadre française fraternisèrent avec les corsaires de barberousse; organisant d'interminables banquets avec remises de cadeaux (Au frais de la Couronne). 

Le gouverneur Adhémar de Grignan exigea que la monnaie turque surévaluée ait cours dans tout le pays, promettant une indemnisation aux personnes spoliées. Il interdit de donner des sépultures chrétiennes aux prisonniers chrétiens morts dans les prisons.

Les hommes et les femmes capturées par les Turcs furent vendus à l'ancan aux îles d'Hyères. Les janissaires enlevaient les enfants et les jeunes gens dans tous les villages alentour. Les jeunes gens étaient destinés à ramer sur leurs galères. Quant aux enfants, ils subirent le sort de tout enfant captif européen : embrigadé et transformé en soldat fanatique d'Allah.

L'économie locale fut ruinée par cette occupation. Des plaintes et des ambassades auprès de François Ier ne tardèrent pas. Il commença par les ignorer pour enfin reconnaître les méfaits de l'Armée d'Orient (Sans mentionner les Turcs) le 20 avril 1544. Les habitants furent exemptés de contributions et de Tailles.

Les corsaires et les janissaires demandèrent leurs soldes des capitaines français et non de Barberousse.

Un épilogue honteux pour la France

Suite à l'incertitude de l'alliance avec François Ier, Barberousse finit par partir en emmenant et la flotte française de 52 vaisseaux... et l'Ambassadeur de France Paulin qui fut contrait de suivre Barberousse partout où il irait.

Finalement, François Ier négocia le départ de la flotte ottomane en versant une très forte somme de 800 000 écus d'or.

Le 26 mai 1544, Barberousse quittait la Provence laissant aux habitants de Toulon un amère souvenir de cette invitation de François Ier.

 

Pour en savoir plus :

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Les barbaresques - Jacques Heers - Collection Tempus

Retrouvez le résumé de cet ouvrage dans le lien ci dessus

 

Tag(s) : #Religion - Islam
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