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Allemand de naissance du fait des caprices de l'histoire, ce Mosellan fut consacré par l'histoire officielle "père de l'Europe".

Robert Schuman put se prévaloir de deux fidélités incontestables – la Lorraine et la Démocratie chrétienne – avant de se consacrer passionnément, après la Seconde Guerre mondiale, au rapprochement franco-allemand, pierre angulaire de la "construction" européenne.

En 1945, il a déjà derrière lui une longue carrière politique comme député au cours de laquelle il défendit les libertés religieuses et la spécificité du droit d'Alsace-Moselle. Mais son véritable envol se fera après la Libération grâce à la position dominante de son parti politique : la Démocratie chrétienne...

Sa vie en Moselle sous administration allemande

Issu d'une vieille famille lorraine qui avait quitté le village d'Evrange après la défaite de 1870 pour s'installer au Luxembourg, Robert Schuman naquit le 29 juin 1886 à Luxembourg.

A l'Athénée de cette ville, puis à Metz (sous administration allemande), il fit de brillantes études secondaires au cours des quelles il se familiarisa aussi bien avec l'Allemand qu'avec le Français.

Très tôt, il fut sensibilisé au déchirement que l'histoire avait imposé aux départements annexés : Pourquoi ces uniformes étrangers dans les rues ? Pourquoi, sur les affiches, ces lois plus contraignantes pour la vie privée des citoyens que les lois françaises ? Orientant ses études supérieures dans une direction qui devait lui permettre de répondre à ces interrogations, Robert Schuman alla suivre des cours d'histoire et de droit dans les Universités de Bonn, de Munich et de Strasbourg.

A 24 ans, il revint à Metz, docteur en droit, s'intéressant tout particulièrement à l'étude comparée des droits germanique et romain. Il s'installa dans cette ville comme avocat en 1912 - plaidant en allemand- et devint président diocésain de la jeunesse catholique jusqu'à la défaite allemande.

Alsacien-lorrain, sujet de l’Empire allemand sous l’uniforme duquel il combat pendant la Grande Guerre, Robert Schuman ne devient français qu’en 1918, à l’âge de 32 ans.

Il s’inscrit à nouveau au barreau de Metz, en 1922.

Député de Moselle sans interruption de 1919 à 1942

Une fois l'Alsace et la Moselle revenues à la France au terme de la Grande Guerre, il sera député de la Moselle sans interruption du 16 novembre 1919 au 31 mai 1942 et siégera Droite.

Durant ce mandat, Robert Schuman s'occupa d'abord du plus pressé : l'avenir des trois départements reconquis par la France. Membre de la commission d'Alsace-Lorraine, commission qu'il présida à partir de 1928, il déposa un certain nombre de projets visant à réintroduire la législation française dans les provinces de l'Est tout en maintenant une grande partie du statut spécifique de l'Alsace-Moselle.

Au cours de la discussion budgétaire de 1920, il expliqua comment il concevait la réintégration des trois départements dans la Nation française : « Nous voulons, en principe, une adaptation progressive de notre organisation locale, l'introduction progressive de la législation française, mais certains sont d'avis que nous devrions avoir hâte de jeter par-dessus bord tout ce que nous avons de particulier dans nos institutions qui, disent-ils (...) viennent d'outre-Rhin et qui, pour cette seule raison, ne méritent pas d'être respectées. C'est, à mon avis, une double erreur...»

Ardent défenseur de la liberté religieuse

Au cartel des gauches, il reprocha son autoritarisme unificateur et son sectarisme antireligieux. Le 10 juin 1924, il s'opposa violemment à Herriot alors président du Conseil sur les questions scolaires et religieuses. Pourquoi le gouvernement s'apprêtait-il à semer la discorde et l'inquiétude en introduisant l'ensemble des lois religieuses et scolaires françaises dans les trois départements recouvrés ? Une telle mesure allait contre le droit : à Herriot qui prétendait que le Concordat était tombé en désuétude, Robert Schuman, en juriste averti, démontra que la loi de germinal an X resterait en vigueur jusqu'au jour où elle serait expressément rapportée par une loi française.
La liberté religieuse, Robert Schuman la défendit à maintes reprises et notamment en 1934, lorsqu'il exprima son désaccord avec ceux qui étaient partisans de tenir compte, dans les écoles d'Alsace-Lorraine, des options philosophiques des instituteurs. En effet, les non-croyants, parmi ces derniers, se voyaient obligés de faire un choix pénible : ou bien respecter leurs obligations en dispensant l'enseignement religieux prévu par le Concordat ; ou bien violer les engagements impliqués par leurs fonctions en laissant de côté cet enseignement. Lorsqu'il fut question de légaliser la deuxième solution, le député de Thionville protesta avec vigueur : allait-on aussi permettre aux instituteurs non patriotes de supprimer l'enseignement des droits civiques tels qu'on les concevait dans l'ordre établi à l'époque ? Si le gouvernement démissionnait de la sorte, ce serait l'anarchie dans les écoles publiques. Respect scrupuleux des règlements, disparition des personnalités derrière leurs fonctions : c'est à ce prix que l'ordre serait maintenu ; et l'ordre, dans les écoles d'Alsace-Lorraine, c'était l'application du Concordat et le refus du monopole exercé par l'école laïque, point sur lequel Robert Schuman ne transigea jamais.

Sa lucidité devant le National-socialisme

Inutile de préciser que son intransigeance en matière de liberté empêcha Robert Schuman de nourrir les moindres illusions sur la nature du régime hitlérien. A partir de 1933, il ne mit plus les pieds en Allemagne, alors qu'il avait pris l'habitude de s'y rendre fréquemment après 1919.

Robert Schuman vote les pleins pouvoirs au maréchal Pétain

Après cette "Honteuse" défaite de juin 1940, Robert Schuman fera partie des cinq cent soixante-neuf parlementaires qui votent les pleins pouvoirs au maréchal Pétain.

Dès septembre 1939, il s’occupe des 200 000 mosellans évacués dans le Sud-Ouest de la France afin de laisser libre la ligne Maginot. IL devient sous-secrétaire d’Etat à la présidence du Conseil, chargé des réfugiés dans le gouvernement Reynaud en mars 1940 et le demeure dans le cabinet Pétain du 16 juin 1940.

Robert Schuman fait partie des cinq cent soixante-neuf parlementaires qui votent les pleins pouvoirs au maréchal Pétain, mais décide de ne pas entrer dans le nouveau gouvernement constitué le 12 juillet. « J'ai quitté le gouvernement de l'Armistice au bout de quelques jours parce que je n'avais pas confiance en cette formule. » dira-t-il.

Ayant refusé de « coopérer » en Moselle avec l’autorité allemande, il est emprisonné avant la fin de 1940 à Metz, puis placé en résidence surveillée, dans le pays de Bade, à Neustadt. Après son évasion en août 1942, il mène une vie clandestine dans des orphelinats et des couvents jusqu’à la Libération.

Des heures douloureuses à la Libération

"Des heures douloureuses l'attendent à la Libération. Pourtant, en septembre 1944, à Tournus, le général De Lattre de Tassigny, qui avec la Première Armée Française progresse vers l'Alsace, le fait chercher afin d'avoir un conseiller politique expérimenté pour les affaires d'Alsace-Lorraine. Mais, trois semaines plus tard, le ministre de la Guerre, André Diethelm, exige que « soit vidé sur-le-champ ce produit de Vichy ». Metz libérée fait un accueil enthousiaste à son ancien député mais les autorités le traitent comme ex-ministre de Pétain et comme parlementaire ayant voté les pleins pouvoirs au maréchal. Considéré comme « indigne » et « inéligible », cet homme sensible connaît alors une vie difficile et paradoxale car ses amis mosellans le font siéger au Comité départemental de libération où il s'emploie à modérer l'épuration. Soucieux de reprendre des responsabilités politiques, il finit par écrire au général de Gaulle le 24 juillet 1945 et, c'est en fin de compte, sur intervention personnelle du général, que l'affaire est classée. Un non-lieu en sa faveur est prononcé par la commission de la Haute Cour début septembre 1945 : Robert Schuman peut reprendre sa place dans la vie politique mosellane et française." (Extrait du livre de Raymond Poidevin « Robert Schuman », collection Politiques et Chrétiens, éditions Beauchesne, 1988, pages 9-15)


Une carrière politique dans la locomotive MRP

La IVe République, fondée sur les décombres de la guerre et néanmoins peu soucieuse d'unité nationale – comme en témoigne d'emblée l'Épuration –, lui offrira alors des institutions conformes à sa nature et à ses ambitions.

Le 21 octobre 1945, Robert Schuman redevient député sous l'étiquette Mouvement Républicain Populaire (MRP), dont il devient le président de la fédération mosellane. Il est choisi comme président de la commission des finances dès novembre 1945.

Le 2 juin 1946, alors qu’il est devenu président du Conseil général de Moselle, il est élu député à la deuxième Constituante.

Il devient ministre des finances, le 24 juin 1946, dans le gouvernement Bidault jusqu’en novembre, puis dans le cabinet Ramadier, de janvier à novembre 1947.

Réélu facilement en compagnie de trois autres républicains populaires en novembre 1946, il reçoit l’investiture de l’Assemblée comme président du Conseil, le 24 novembre 1947. Il le restera jusqu'au 25 juillet 1948.

Soucieux d’arrimer la France au bloc occidental dans le cadre du plan Marshall, il est contraint par les préteurs américains de respecter les équilibres financiers sur le plan budgétaire. Pour cela, il fait voter un projet de prélèvement exceptionnel de lutte contre l’inflation, présenté le 20 décembre 1947. Son projet sera l'objet de l'hostilité des gaullistes et des communistes.

Il devient ministre des affaires étrangères du 26 juillet 1948 au 5 septembre suivant, dans le cabinet Marie.

Robert Schuman refait une brève apparition comme chef du gouvernement et de la diplomatie française, du 5 au 10 septembre 1948.

Il demeure aux affaires étrangères sous les cabinets Queuille (septembre 1948-octobre 1949), Bidault (octobre 1949-juin 1950), Queuille II (juin-juillet 1950), Pleven (juillet 1950-mars 1951), Queuille III (mars 1951-juillet 1951), Pleven (août 1951-janvier 1952) Edgar Faure (janvier-mars 1952) et Antoine Pinay (mars 1952-janvier 1953), de septembre 1948 à janvier 1953, soit plus de quatre ans en responsabilité au Quai d’Orsay, dans une Europe marquée par le coup de Prague en 1948.

Il signe, au nom de la France, le traité de l’OTAN, le 4 avril 1949, après avoir participé à la mise en place du Conseil de l’Europe en janvier 1949. Pour arrimer l’Allemagne à l’Europe, sur impulsion américaine, il propose, le 9 mai 1950, un plan plaçant la production du charbon et de l’acier sous une haute autorité commune, dans une organisation ouverte à tous les pays de l’Europe occidentale, mais qui n’en regroupe alors que six : la France, l’Italie, la RFA et le Benelux. Ce traité instituant la CECA est signé le 18 avril 1951. Il est fortement inspiré par les réflexions et les travaux de Jean Monnet. Hostile au réarmement allemand, Robert Schuman accepte le « plan Pleven » d’armée européenne, même s’il le trouve prématuré.

En 1955, il change d’affectation ministérielle, en devenant garde des Sceaux dans le cabinet d’Edgar Faure, du 23 février 1955 au 24 janvier 1956. Ce sera la fin de son parcours ministériel.

Robert Schuman sera réélu député en janvier 1956. De 1956 à 1958, il sera membre de la commission des affaires étrangères.

Un point de chute providentiel & européen

Pur produit de la Démocratie chrétienne, alors baptisée Mouvement républicain populaire (MRP), Robert Schuman sera fort Inquiet du retour du général de Gaulle quant à l’avenir de la politique européenne, il votera cependant en faveur de l’investiture « du plus illustre des Français », le 1er juin 1958..

Il ne tardera pas à trouver un point de chute providentiel : le 13 mars 1958, alors que la cinquième République naissante commence à brader nos départements d'Algérie, il est le premier à occuper la présidence de l’Assemblée unique des Communautés européennes, prototype du Parlement européen actuel.

C'est cette assemblée qui lui décernera à la fin de son mandat, ainsi qu'à une dizaine d'autres personnages de l'époque, le titre de "père de l'Europe".

Dans le cadre de cette institution, il souhaitera la création d’un conseil permanent des ministres européens, comme l’élection d’une Assemblée européenne au suffrage universel direct et soulève le problème posé par l’unification de l’Allemagne.

Malade, il quittera son mandat européen en janvier 1961 et s'éteindra le 4 septembre 1963, couvert d'honneurs officiels.

Son apport décisif à la construction européenne

Au cours de ses 4 ans consécutifs passés au ministère des Affaires étrangères (septembre 1948 à janvier 1953) et après avoir mis la France sous tutelle des financiers américains (par l'acceptation de toutes les conditions du plan Marshall) et arrimé la France à l'OTAN, Robert Schuman mis une énergie rare pour donner un contenu à l'idée européïste.

Le 9 mai 1950, Robert Schuman fit une déclaration qui est considérée comme le "texte fondateur de la construction européenne."

Cette déclaration faite par le ministre des Affaires étrangères français, dans le Salon de l'Horloge du Quai d'Orsay, à Paris, inspirée par Jean Monnet, premier commissaire au Plan, propose la création d'une organisation européenne chargée de mettre en commun les productions françaises et allemandes de charbon et d'acier.

Ce sera ensuite la création de la CECA : Communauté Européenne du Charbon et de l'Acier.

Une tâche dans cette belle histoire

Mais moins de dix ans après, le mythe sera entamé par d'embarrassantes révélations consécutives à la déclassification d'archives américaines. Selon ces documents, Robert Schuman et d'autres acteurs majeurs de la "construction" européenne auraient été financés par la CIA agissant par le truchement des fondations Rockefeller et Ford. Ce qui n'empêche pas aujourd'hui la fondation Robert Schuman présidée par Jean-Dominique Giuliani – un habitué des plateaux de télévision – de continuer à répandre la vulgate européiste. Un discours qui a toutefois beaucoup perdu de son pouvoir de persuasion."

Annexe - L'essentiel du texte fondateur de 1950

La déclaration est précédée d’un paragraphe liminaire dont voici les premières phrases : «Il n'est plus question de vaines paroles, mais d'un acte, d'un acte hardi, d'un acte constructif. La France a agi et les conséquences de son action peuvent être immenses. Nous espérons qu'elles le seront. Elle a agi essentiellement pour la paix. Pour que la paix puisse vraiment courir sa chance, il faut, d'abord, qu'il y ait une Europe. Cinq ans, presque jour pour jour, après la capitulation sans conditions de l'Allemagne, la France accomplit le premier acte décisif de la construction européenne et y associe l'Allemagne. (…) » La déclaration proprement dite commence ainsi : « La paix mondiale ne saurait être sauvegardée sans des efforts créateurs à la mesure des dangers qui la menacent. La contribution qu'une Europe organisée et vivante peut apporter à la civilisation est indispensable au maintien des relations pacifiques. En se faisant depuis plus de vingt ans le champion d'une Europe unie, la France a toujours eu pour objet essentiel de servir la paix. L'Europe n'a pas été faite, nous avons eu la guerre. L'Europe ne se fera pas d'un coup, ni dans une construction d'ensemble : elle se fera par des réalisations concrètes, créant d'abord une solidarité de fait. Le rassemblement des nations européennes exige que l'opposition séculaire de la France et de l'Allemagne soit éliminée : l'action entreprise doit toucher au premier chef la France et l'Allemagne. (...)» Suit l’annonce d’un premier pas, « d’un point limité mais décisif » : «… placer l'ensemble de la production franco-allemande du charbon et d'acier sous une Haute Autorité commune, dans une organisation ouverte à la participation des autres pays d'Europe. Le Gouvernement français propose de placer l'ensemble de la production franco-allemande du charbon et d'acier sous une Haute Autorité commune, dans une organisation ouverte à la participation des autres pays d'Europe…. » Ce texte aboutira à la signature, le 18 avril 1951 du traité de Paris, qui fonde la Communauté européenne du charbon et de l'acier entre six États européens.

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